
Faits :
En 2009, lors des travaux de restauration de l’Opéra royal du Château de Versailles, cinq ouvriers ont été exposés à des poussières de plomb, entraînant une intoxication. Ces ouvriers, employés par l’entreprise Asselin, spécialisée dans la restauration de bâtiments anciens, n’auraient pas reçu les protections adéquates pour se prémunir contre les risques liés au plomb. Les travaux étaient supervisés par l’Opérateur du patrimoine et projets immobiliers de la Culture (OPPIC) en tant que maître d’ouvrage délégué, avec la participation de l’entreprise Dekra en tant que coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé (SPS), et du cabinet d’architecte Didier. Le Château de Versailles était le maître d’ouvrage principal.
Procédure :
À la suite des plaintes déposées par les ouvriers intoxiqués, une instruction judiciaire a été ouverte. En décembre 2022, la juge d’instruction a ordonné le renvoi devant le tribunal correctionnel de l’OPPIC et de Dekra pour « blessures involontaires avec incapacité supérieure à trois mois, par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence dans le cadre du travail ». L’entreprise Asselin et son PDG, François Asselin, ont également été renvoyés pour « mise en danger d’autrui » et « complicité de subornation de témoin ». Le procès s’est tenu du 10 au 12 février 2025 devant le tribunal correctionnel de Versailles.
Problème juridique :
Quelles sont les responsabilités respectives des parties impliquées, notamment celle du coordonnateur SPS, dans l’exposition des ouvriers aux poussières de plomb lors des travaux de restauration de l’Opéra royal du Château de Versailles ?
Solution :
Le coordonnateur SPS, en l’occurrence l’entreprise Dekra, a pour mission de veiller à l’application des principes généraux de prévention dès la phase de conception et tout au long de la réalisation du chantier. Selon l’article R. 4532-11 du Code du travail, le coordonnateur exerce ses missions sous la responsabilité du maître d’ouvrage et doit notamment :
- Élaborer le plan général de coordination (PGC) en matière de sécurité et de protection de la santé ;
- Veiller à l’application correcte des mesures de coordination définies ;
- Adapter le PGC en fonction de l’évolution du chantier ;
- S’assurer que les entreprises intervenantes respectent les mesures de prévention.
En l’espèce, il est reproché à Dekra de ne pas avoir assuré une coordination efficace en matière de sécurité, notamment en ne veillant pas à la mise en place de mesures de protection contre l’exposition au plomb, ce qui constitue une violation de ses obligations légales.
Le maître d’ouvrage délégué, l’OPPIC, est également tenu à une obligation de sécurité. Bien que le coordonnateur SPS soit désigné pour assister le maître d’ouvrage, ce dernier conserve une responsabilité en matière de sécurité sur le chantier. L’article R. 4532-4 du Code du travail stipule que le maître d’ouvrage doit s’assurer que le coordonnateur dispose des moyens nécessaires à l’accomplissement de sa mission. En ne supervisant pas adéquatement les mesures de sécurité mises en place, l’OPPIC a manqué à son obligation de prudence.
L’entreprise Asselin, en tant qu’employeur des ouvriers intoxiqués, a l’obligation de garantir la sécurité et la santé de ses salariés. Elle aurait dû évaluer les risques liés à l’exposition au plomb et fournir les équipements de protection individuelle appropriés. Le manquement à cette obligation engage sa responsabilité pour mise en danger d’autrui.
Enfin, le Château de Versailles, en tant que maître d’ouvrage principal, a bénéficié d’un non-lieu en 2021. Toutefois, il convient de rappeler que le maître d’ouvrage principal a également des obligations en matière de sécurité et peut voir sa responsabilité engagée en cas de manquement avéré.
Commentaire :
Cette affaire illustre l’importance cruciale de la coordination en matière de sécurité sur les chantiers impliquant plusieurs intervenants. Le coordonnateur SPS joue un rôle central dans la prévention des risques professionnels, notamment ceux liés à la coactivité. Toute défaillance dans l’exercice de ses missions peut avoir des conséquences graves pour la santé des travailleurs et engager sa responsabilité pénale et civile.
Cependant, la responsabilité en matière de sécurité ne repose pas uniquement sur le coordonnateur SPS. Le maître d’ouvrage, le maître d’œuvre et les entreprises intervenantes ont également des obligations légales en matière de prévention des risques. Une collaboration étroite et une communication efficace entre ces acteurs sont essentielles pour assurer la sécurité sur les chantiers.
En conclusion, cette affaire rappelle que la sécurité sur les chantiers est une responsabilité partagée. Chaque acteur, du maître d’ouvrage au sous-traitant, doit veiller à l’application des mesures de prévention pour protéger la santé et la la santé et la sécurité des travailleurs.